Ancêtre de nombreuses races modernes le mouton Soay est un véritable vestige vivant adapté au conditions les plus rudes !

 

 

Nous vous en avions déjà touché un mot dans un article précédent, le mouton Soay est une race rustique et résistante, nécessitant très peu d’entretien et d’apports nutritifs, utilisé (avec les Ardennais tachetés et les Roux ardennais) dans le cadre de l’action « pâturage extensif » du projet Life in Quarries.

Mais, l’histoire de cette race quasi-préhistorique, plus proche parent actuel du mouflon aujourd’hui disparu, est tellement particulière, que nous ne pouvions pas ne pas lui consacrer un article entier.

Prêts à en apprendre plus sur ces tondeuses de l’extrême ?

 

L’île aux moutons

 

Notre histoire commence dans l’archipel de Saint Kilda situé entre l’Écosse et l’Islande, sur une île composée de landes vertes et grises parsemées de rares arbustes et de blocs de pierre arrachés il y a des milliers d’années aux flancs rocheux.

Sur ce cailloux rocailleux d’origine volcanique de 99 ha, situé au sud du Groënland, pas d’arbres, pas d’abris.

Seulement la plaine rase balayée par le vent, la pluie (1100-1300 mm par an) et les cris des oiseaux marins. Les maisons sont en pierre, la terre y est noire, la vie difficile.

 

C’est ici qu’il y a environ 1000 ans, des vikings (le dernier peuple à gérer des troupeaux de moutons sauvages en Europe), font escale  et déposent quelques bêtes domestiquées dans le but de faire de ce bout de terre émergée désert une réserve à gibier. Dans la foulée ils baptisent l’île « So-ay », littéralement, « île aux moutons ». Puis, ils repartent à bord de leur drakkars, abandonnant les ovins à leur rude vie insulaire.

Petit à petit, l’archipel composé des îles Soay et Hirta se peuple, mais les conditions géographiques et climatiques font de la vie quotidienne un combat permanent.

 

En 1727, les habitants vivants sur Hirta sont décimés par la variole. Des trente derniers survivants, le nombre remonte jusqu’à 100 et se maintient jusqu’au milieux du 19 ème siècle où la plupart émigrent vers des cieux plus cléments.

En 1932, les derniers habitants de l’archipel demandent leur évacuation en Écosse, laissant Hirta et Soay à l’abandon.

Un passionné de nature, le Marquis de la Butte, rachète alors l’archipel dans l’optique d’en faire une réserve naturelle. Pour cela, il veille à ce qu’aucun animal domestique ne soit laissé sur Hirta lors du départ des derniers insulaires et il y transfère, ensuite, une centaine de moutons qu’il embarque sur l’île voisine de Soay.

Après cela… plus rien. Il fera en sorte qu’aucune intervention humaine n’interfère avec le développement naturel de la vie sur les îles.

Voilà pourquoi, alors que durant les deux derniers millénaires, de nombreuses races issues du Proche-Orient sont introduites dans les troupeaux européens afin de créer nos moutons « modernes »,  plus productifs en terme de lait, de viande et de laine, l’éloignement, les difficultés d’accès et le retour à l’état sauvage des îles d’Hirta et de Soay vont permettre d’éviter l’hybridation génétique de la race et lui permettre de conserver cette apparence proche de celle du mouflon, l’ancêtre de tous les moutons!

 

S’il vous plaît… dessine-moi un mouton.

Exit les petits moutons à la laine blanche qui pousse en continu !

Car, si au cours de notre histoire, le mouton a été parfaitement adapté aux techniques de la tonte, des teintures, du filage et du tissage de la laine, pendant la préhistoire, il n’est utilisé que pour sa viande, sa graisse, ses cornes et ses os.

En ces temps reculés, il arbore une toison de couleur sombre composée de poils droits et raides (ce qu’on appelle des « jarres grossiers ») qui tombent chaque année.

Une toison fort proche de celle des moutons sauvages, comme le mouton Soay, véritable vestige de l’Age de Bronze, qui a gardé ses caractéristiques préhistoriques tant au niveaux des fibres de sa toison… que de son squelette.

Ainsi, le Soay possède encore aujourd’hui une queue assez courte et mue annuellement de façon naturelle, deux techniques qui lui permettent d’éviter les myases (pontes de mouches dans la vieille laine ou la laine souillée).

Mais les Soays ont, également, gardés leur « compétence de survie » puisqu’ils sont toujours peu exigeants en matière d’alimentation (là ou un mouton « moderne » supporte 10 à 20 % de plantes ligneuses dans son alimentation, le Soay, bien qu’il ai tout de même besoin de graminées, les supporte jusqu’à 60 % ), résistants aux maladies et aux conditions climatiques rudes grâce à leur toison ancestrale et leurs sabots très résistants.

De plus, leur taux de conversion de biomasse végétale en énergie est optimal, ce qui les rend parfaits pour l’entretien de friches, d’espaces naturels, de parcs et de vergers.

 

À bas le patriarcat (et les borders collies)

Chez les Soays, on est des « territoriaux » de génération en génération. En effet, le territoire disponible au pâturage est naturellement divisé en différentes zones, contrôlées par des troupeaux de 10 à 25 brebis d’une même famille. Et comme dans l’histoire humaine, les meilleures et plus anciennes lignées ont droit aux meilleurs spots (au moins jusqu’à ce qu’elles s’épuisent et que d’autres prennent leur place).

Pour les mâles, qui vivent entre eux de janvier à octobre, la période de rut entraine de telles dépenses énergétiques qu’ils ne peuvent souvent pas reconstituer leurs réserves de graisse avant les grands froids. Les béliers reproducteurs sont donc les premières victimes des rigueurs de l’hiver.

Cependant la nature, si elle semble cruelle, est bien faite.

Car cette situation permet l’arrivée d’un nouveau mâle l’année suivante réduisant, ainsi, le risque de consanguinité.

 

Et si, les Soays ont gardés leur côté sauvage (d’ailleurs les béliers comme les brebis portent des cornes), cela peut poser problème aux bergers puisque les chiens se révèlent peut efficaces quand il s’agit de rassembler le troupeau qui a plutôt tendance, face à la menace, à s’éparpiller en sous-groupes conduits par une brebis expérimentée.

Un conseil, donc, prévoyez un  système adéquat tel qu’un couloir de contention (de plus d’un mètre de hauteur pour éviter de jouer à saute-mouton) dans lequel vous habituerez le troupeau à passer sans le fermer. Ainsi, le jour où il vous faudra les rassembler (identification, contrôle médical, tri, etc.) cela se fera sans heurts et beaucoup plus facilement.

 

 

Des moutons entre mecs

Doté d’un tempérament farouche (une nécessité à l’état sauvage) et territorial, le mouton Soay n’est pas adéquat pour des entretiens temporaires intensifs par transhumance.

Non, les moutons Soay sont plutôt des casaniers, raison pour laquelle ils conviennent mieux pour des systèmes de pâturage permanent extensif (pouvant être assortis d’un système de rotation).

Ils sont particulièrement indiqués pour gérer l’entretien permanent d’espaces naturels, comme par exemple près de Falaën (province de Namur), où un troupeau d’une dizaine de moutons Soay sont utilisés pour dégager et entretenir les anciennes prairies calcaires et les versants boisés (2ha) au pied de Montaigle. Ou, comme dans les Polders, où depuis plus de 20 ans, plus de 60 moutons Soays (répartis e 4 troupeaux) entretiennent un espace naturel privé d’environ 4 ha.

Ou, encore, comme c’est le cas pour la carrière du Clypot (province de Hainaut), membre du projet Life in Quarries, où un troupeau de quelques béliers pâture sur les hauteurs du site en activité, arrivant à accéder aux recoins les plus reculés du terrain. Il est, d’ailleurs, bon de préciser que le Soay s’adapte très bien à l’activité humaine et aux autres animaux malgré sa prudence instinctive.

 

Cependant, si l’éco-paturage vous tente, sachez que pour avoir des moutons de Soay (car ces animaux, grégaires, ne peuvent vivre seul), il faut avoir minimum  30 ares pour 2 agnelles, ou 50 ares pour 3 béliers.

Et que la mixité est déconseillée à moins que vous ne souhaitiez trier chaque année les nouveaux venus et assister à de beaux combats!

Privilégiez des groupes unisexes (béliers ou agnelles qui ne se sont encore jamais reproduites) comme c’est, par exemple, le cas pour l’entretien des ruines de Mariemont dont s’occupent, depuis 2012, 5 ou 6 béliers, ou l’entretien des anciens bassins de décantation de la sucrerie de Frasnes où paîssent 15 béliers depuis 2008.

NB : En choisissant des béliers (minimum 3) du même âge et d’un même troupeau, les rixes pour la rivalité hiérarchique seront sensiblement réduites.