Nous nous sommes promenés sur une zone de la carrière d’Hermalle, membre du projet LIFE in Quarries, dans laquelle de nombreuses actions en faveur de la biodiversité sont en cours.
Petite immersion dans la réalité de terrain.
Un projet rendu possible grâce à la collaboration entre associations de défense de l’environnement et secteur industriel.
Si les actions de nature temporaire sont au fondement même du concept de « gestion dynamique de la biodiversité » mis en œuvre sur les sites membres du projet LIFE in Quarries, les actions de nature permanente sont également importantes puisqu’elles permettent d’initier la réhabilitation – sur les zones périphériques – en parallèle de l’activité industrielle.
Et, justement, la carrière d’Hermalle, exploitée par la société Lhoist en région liégeoise, a décidé de consacrer une partie de son site de 230 hectares à la nature en réalisant de nombreux aménagements permanents en faveur de différentes espèces.
Vous êtes prêts pour un petit tour du propriétaire ?
Un corridor à chauves-souris
En premier, nous arrivons devant un chemin boueux qui ne paye pas de mine. Pourtant, il s’agit déjà ici d’un des lieux choisi pour être réaménagé en faveur de petits animaux bien connus : les chauves-souris !
Explications avec Pascal Hauteclair de chez Natagora, qui gère les différentes actions mises en place sur cette partie de la carrière d’Hermalle :
Eh oui, il n’y a pas que les humains qui apprécient le concept d’autoroutes. Les chauves-souris aussi affectionnent de grandes voient dégagées pour leur chasse nocturne.
Et si, sur plusieurs de nos sites, nous leur aménageons déjà des gîtes et des galeries tout confort, nous pensons aussi à leurs déplacements !
Un chenal à libellules
En avançant sur cette future voie royale à chiroptères (la famille des chauves-souris), nous nous retrouvons devant une sorte de très grande flaque qui s’étend sur toute la largeur du chemin (et, plus particulièrement sur la droite, où l’eau semble plus profonde).
Une simple flaque créée par les averses diluviennes de ces derniers jours ? Nenni !
En effet, une équipe composée de Pascal et d’un entrepreneur souvent appelé pour réaliser des actions du projet LIFE in Quarries est venue créer cette mare la semaine dernière.
L’idée : creuser un grand fossé sur le côté droit en recalibrant la pente de façon à ce que l’eau puisse s’y stocker et rester disponible en permanence.
Il s’agit bien, ici aussi, d’une action en faveur d’une espèce d’Odonate protégée classée parmi les espèces cibles du projet LIFE in Quarries : le leste brun (Sympecta fusca).
Des haies buissonneuses pour les oiseaux
Après avoir passé la mare à leste brun, nous poursuivons notre route sur un chemin plus sec. Déjà une nouvelle action !
Sur le côté droit, l’idée est de gérer la zone boisée en lisière étagée. Pour cela, il faut un plan d’action très précis :
- Dessouchage (enlèvement des souches) des broussailles actuellement présentent sur deux mètres de profondeur.
- Déboisement des grands arbres sur les 5 mètres suivant qui se poursuivent par une forêt.
- Recolonisation spontanée de la zone défrichée par des arbustes.
Mais pourquoi enlever des arbres alors qu’on nous répète d’en planter ?
Parce qu’il est souvent plus intéressant pour la biodiversité d’avoir plusieurs types de milieux qui s’enchâssent les uns dans les autres !
Dans ce cas-ci, cet étage composé de buissons proches du sols et serrés entre eux va constituer l’habitat de nombreuses espèces d’oiseaux comme le rossignol, les fauvettes, les pies grièches, les bruants… mais également pour la « petite faune » comme les rongeurs ou les reptiles.
Ce qui nous amène à…
Des pelouses pour la Coronelles lisse
Quant au côté gauche du chemin, le déboisage des espèces ligneuses (arbres) permettra de recréer des zones plus ouvertes, de pelouses thermophiles idéales pour la Coronelle lisse (Coronella Austriaca).
Ce petit serpent bien de chez nous, dont les populations ne se portent pas très bien depuis plusieurs années, est un grand amateur de milieux secs, chauds et ensoleillés qu’on retrouve dans des habitats très ciblés comme les falaises ou les pelouses thermophiles.
Réintroduite sur le site par Natagora, la Coronelle lisse semble s’y plaire et prospérer sur les hauteurs de la carrière d’Hermalle.
Nul doute qu’avec ces aménagements spécialement conçus pour elle, de part et d’autre du chemin, cette petite couleuvre va être ravie !
Une nouvelle lisière plus grande
Le saviez-vous ? Les milieux ouverts comme les clairières hébergent un nombre élevé d’espèces animales et végétales rares ou spécialisées (c’est-à-dire qu’elles se développent uniquement dans ces types de milieux). Or ceux-ci tendent à disparaitre dans nos paysages modernes à cause de l’urbanisation et de la recolonisation spontanée par des espèces ligneuses.
Les sols sablonneux comme celui de cette clairière présentent un grand avantage ! Très perméable à l’eau et à l’air, ils se réchauffent rapidement et permettent à de nombreuses plantes de survivre lorsque le thermomètre chute.
De nombreuses espèces vont, donc, pouvoir profiter d’un agrandissement de cette clairière comme les abeilles solitaires, déjà présentes, la Coronelle lisse – qui est tout près – et toute une série de plantes adeptes des milieux ouverts, sablonneux et thermophiles. Par exemple, des orchidées sauvages comme l’Orchis pyramidal (Anacamptis pyramidalis) ou l’Ophris abeille (Ophrys apifera) nommée ainsi car sa fleur fait penser à un de ces pollinisateurs noir et jaune.
Des mares en cascade
Sur le versant de la lisière, plusieurs mares ont été créées il y a déjà quelque temps. Profitant d’un écoulement d’eau qui provient du sommet de la pente, ces mares sont censées être en permanence alimentées en eau. Cependant, la réalité de terrain est différente et, lors de notre passage, seules 2 des 4 mares sont irriguées.
En effet, il n’est pas toujours facile de concilier théorie et application pratique.
Et si nos équipes font appel à leur expérience pour déterminer l’endroit qui leur semble le plus propice à accueillir des mares, ils ne possèdent malheureusement pas de boules de cristal pour leur permettre de prédire avec certitude que la mare sera fonctionnelle…
Le clou du spectacle : une roselière humide
Après avoir gravi la pente raide qui remonte de la clairière, nous arrivons devant un spectacle qui arrache à Pascal un « Oh génial » spontané : les mares creusées 7 jours, à peine, auparavant, sont entièrement sous eau !
Un espace marécageux idéal pour la nidification de certains oiseaux rares comme le Busard des roseaux (Circus aeruginosus), de nombreuses espèces d’insectes (libellules, demoiselles, coccinelle des roseaux, etc.) et, surtout, du célèbre Triton Crêté (Triturus cristatus), le plus grand et le plus rare des 4 espèces de tritons présentes en Belgique !
Nota Bene à nos lecteurs amateurs de nature
Il est, toutefois, bon de rappeler que toutes ces actions prennent place sur un site privé.
Il est donc interdit aux promeneurs de la région de s’y balader que ça soit par respect des limites géographiques de la carrière, que pour des raisons de sécurité et pour ne pas déranger des espèces rares et menacées.
