Comme chaque année, l’heure est venue de prélever des fragments de ponte de deux espèces d’amphibiens dans différents sites sources pour les réintroduire ensuite dans les carrières en activité membres du projet LIFE in Quarries.

 Pascal Hauteclair, responsable de la translocation des crapauds calamites chez Natagora et Aurore, étudiante à Gembloux Agro-Bio Tech, en visite dans une des carrières membres du projet LIFE in Quarries pour prélever des fragments de ponte.

 Les campagnes de translocation de deux espèces d’amphibiens constituent un autre aspect innovant du projet LIFE in Quarries.

Le principe est simple : prélever des fragments de ponte de crapauds Calamites et de tritons Crêtés dans des sites sources (dont le pourcentage est calculé au cas par cas pour chaque site source selon un protocole minutieusement élaboré) afin de les relâcher, ensuite, dans des zones de certaines carrières membres du projet LIFE in Quarries qu’ils n’ont aucune chance d’atteindre sans un petit coup de pouce.

Autant de zones propices au développement de nouvelles populations de ces deux espèces d’amphibiens menacées mais inaccessibles à leurs petites pattes. Qu’à cela ne tienne, les équipes du projet LiQ adorent jouer les tour-opérateurs !

 

 

De rares pontes de crapauds Calamites

Classé sur la liste rouge des amphibiens de Wallonie, le crapaud calamite (Bufo calamita), une des espèces cibles du projet LIFE in Quarries, se reconnaît à la fine ligne jaune qui traverse son dos sur toute sa longueur et à sa pupille jaune/vert.

Nous y avions déjà consacré un article l’année dernière. Pour le voir cliquez ici.

 

Espèce pionnière par excellence, le crapaud Calamite a besoin de milieux neufs, ouverts et vierges pour pouvoir se développer. Des milieux qui font cruellement défaut dans nos paysages modernes urbanisés…

 

C’est dans ce paysage lunaire que nos équipes avancent de mare en mare pour prélever des fragments de ponte.

 

C’est pourquoi, parmi les endroits où on retrouve encore ce petit batracien, il y a notamment les carrières, gravières et sablières dont l’activité extractive bouleverse constamment le paysage offrant des habitats de choix à ce pionnier pustuleux.

Cependant, ce jour-là et malgré un beau soleil : une seule et unique ponte est repérée dans une des mares, conséquence de ce printemps gris et particulièrement frais…

 

Les pontes de crapaud Calamite s’organisent en deux longs cordons de deux fins chapelets de petits œufs blancs et noirs entourés d’une gelée translucide.

 

Rien de dramatique cependant, puisque contrairement à d’autres espèces qui pondent à la même période qu’il neige ou qu’il vente, ces dames Calamites préfèrent attendre le beau temps pour donner la vie. Il nous faudra, donc, simplement revenir plus tard.

Un surplus de travail mais qui en vaut largement la peine : les campagnes de translocation du Calamite les années précédentes ayant chaque fois été couronnées de succès !

 

 

 

Une abondance de tritons Crêtés

Autre jour autre espèce et, surtout, autre résultat : les dames tritons Crêtés, elles, s’en sont donné à cœur joie !

C’est ce que constate immédiatement Julien Taymans de Natagora, la moitié du corps immergée dans une mare quand nous nous retrouvons de bon matin dans la prairie d’un manège d’équitation quelque part dans le Hainaut.

 

 

Un endroit bucolique pour cette « fabrique à triton » mais qui n’a rien de surprenant puisque le triton Crêté, le plus grand et le plus rare des quatre espèces de tritons qui vivent en Wallonie, se reproduit presque exclusivement dans des eaux stagnantes et végétalisées situées dans des écrins de verdure composés de bosquets et de prairies. En effet, à l’âge adulte, le triton Crêté vit… sur la terre ferme.

Autant de lieux aux critères très particuliers qui se réduisent à peau de chagrin en Wallonie puisque la plupart du temps, ces mares sont entourées de terres de culture, ce qui ne convient pas du tout à notre triton punk.

 

La présence de végétation aquatique dans la mare est primordiale pour que la femelle puisse y déposer ses œufs, généralement un par un, bien à l’abri parmi les plantes et les algues.

 

Et pour cette espèce-ci plus question d’aller prélever des fragments de ponte armés de ciseaux. Non, l’arme ultime pour récolter des œufs de tritons Crêtés c’est : le sac poubelle !

Enfin ; des bandelettes de sac poubelle, accrochées à des tuteurs et plantées parmi la végétation le long des berges. Une fois ces nurseries artificielles mises en place il n’y a plus qu’à attendre quelques semaines, venir les récolter puis direction leur nouvelle maison.

 

Sur les bandelettes, des centaines d’œufs verdâtres d’environ 2 mm. Une certaine partie d’entre eux est déjà au stade embryonnaire. © Jacky Wuelche

 

Une fois amenés dans la zone de la carrière où deux mares permanentes bien profondes, végétalisées et exposées au soleil les attendent, les œufs doivent d’abord être comptés ! Et un tuteur (ce qui représente une vingtaine de bandelettes) contient souvent plusieurs centaines d’œufs ! Le tout plié en deux et les mains dans l’eau froide bien évidemment.


Nous y avions déjà consacré un article l’année dernière. Pour le voir cliquez ici.  © Jacky Wuelche

 

Et leur nouveau foyer semble cosy à souhait : plein de végétation et une mare bien en eau ! Après le recensement, les tuteurs sont « replantés » dans la mare par Julien. Longue vie à eux !

On reviendra poser des nasses cet été pour évaluer la réussite de l’opération ! 

 

 

Pourquoi transporter des œufs

 

Grâce aux campagnes annuelles de translocation, l’apport de fragments de ponte de crapauds Calamites et de tritons Crêtés dans les carrières contribuent à renforcer les populations de ces deux espèces menacées, en participant à la mise en place d’un réseau écologique favorable à leur redéploiement sur le territoire wallon.

Un autre rôle primordial de ces sites extractifs dont les produits sont au cœur du quotidien de chacun d’entre nous.